L'AFFAIRE JONAS GRISHAM | 21/01/2062 | notes du dossier
Watergate Complex
Watergate - Espartaco Madureira Coelho

RAPPEL DES FAITS

Dans la soirée du 9 août 2057, le président des UCAS, le grand dragon Dunkelzahn, investi plus tôt dans la journée, vient de quitter le Watergate Hotel. Sous forme humaine ce soir là, il embarque à bord d'une limousine, qui emprunte Virginia Avenue vers la droite en direction du sud-est. Alors qu'elle approche de l'intersection avec New Hampshire Avenue, où l'on peut voir la statue du président méxicain Benito Juárez, la limousine est frappée par une explosion. Il est 22:23. Le véhicule est projeté à plus de trente mètres de hauteur, avant d'être désintégré par une seconde explosion. Le corps du président ne sera pas retrouvé.


CONTEXTE

L'élection de 2056
Pour saisir le contexte dans lequel survient l'assassinat du président Dunkelzahn, il convient de revenir sur l'élection présidentielle de 2056. Cette élection devait tenir lieu de confirmation pour les technocrates qui tenaient la Maison Blanche depuis 2052. En effet, le vice-président technocrate Thomas Steele avait accédé à la présidence suite au décès de son colistier, le démocrate Alan Adams, dans les semaines qui avaient suivi l'élection. Le choix du secretaire d'état James Booth, issu lui aussi des rangs du parti technocrate, comme vice-président, au lieu d'un démocrate, avait entraîné la fin de l'alliance entre les deux partis, permettant aux républicains de prendre le contrôle du Congrès en 2054.
Malgré tout, en 2056, l'élection semble une simple formalité pour le ticket Steele-Booth, qui remportent avec une large avance une élection marquée par une participation historiquement faible. Le grand dragon Dunkelzahn n'est pas tout à fait étranger à cette victoire : les images de sa poignée de main avec le président Steele lors de son accession à la citoyenneté américaine à l'été 2056 propulsent le président sortant hors d'atteinte de ses adversaires dans les sondages.
Le désintérêt des électeurs pour l'élection laisse place à l'incrédulité lorsque les autorités fédérales révèlent la découverte de fraudes électorales ayant affecté le système de vote électronique, en faveur du ticket technocrate. Alors que tous les sondages affirmaient une victoire de Steele inévitable, la découverte de cette fraude prive Steele d'un nouveau mandat à la Maison Blanche. Betty-Jo Pritchard, la porte-parole de la chambre des représentants, devient la première femme à la tête de l'Union, le temps qu'une nouvelle élection soit organisée en août 2057.

L'élection de 2057
Le 15 mars 2057, au cours de son émission Wyrm Talk!, Dunkelzahn se lance dans la campagne présidentielle. Il est le sixième candidat en lice, sans parti derrière lui. En plus de sa fortune personnelle, Dunkelzahn a le soutien de la mégacorporation Ares Macrotechnology et de son President/CEO, Damien Knight. Le colistier du grand dragon sera d'ailleurs un proche de Knight, Kyle Haeffner, un homme d'affaires de Boston.
A l'opposé de l'élection de 2056, l'élection spéciale de 2057 sera l'un des plus farouches affrontements politiques de l'histoire de l'Union. En pleine campagne, un attentat à la bombe frappe le Pentagone. Puis c'est l'assassinat du candidat républicain Franklin Yeats dans une chambre d'hôtel à Seattle trois semaines avant le scrutin. Dans ce contexte particulièrement tendu, la courte victoire de Dunkelzahn sur son principal rival, l'archiconservateur Kenneth Brackhaven, s'avère être un soulagement et une bouffée d'oxygène pour la majorité des habitants des UCAS, même parmi les sympathisants des autres candidats.


L'AFFAIRE JONAS GRISHAM

La Commission Scott
Le président Kyle Haeffner, tout juste investi, crée une Commission présidentielle sur l'assassinat du président Dunkelzahn le 10 août. La présidence de la commission est confiée au président de la Cour suprême, le juge Richard Scott. La "Commission Scott" suit le modèle établi lors de l'assassinat du président John Fitzgerald Kennedy en 1963 et du président Jesse Garrety en 2016. La liste des membres de la commission est rendue publique le 25 août. Outre le juge Scott, elle comprend sept membres :

- Richard Scott, en président de la Cour Suprême des UCAS
- David Ralph, sénateur de l'Illinois (parti démocrate)
- Melissa Washington, sénatrice du Maine (parti républicain)
- Jess Rummens, représentant de l'Iowa (parti technocrate)
- Sarah Lynn, représentante du Vermont (indépendante)
- Carla Brooks, responsable de la sécurité de Dunkelzahn
- Dr Frazer Williams, directeur des études magiques et occultes de l'université de Georgetown
- Général (à la retraite) Steven Coe Bowling, ancien directeur de la CIA

La commission commence son travail le 5 septembre, avec l'audition du président Haeffner. La commission fait le choix de publier des rapports intermédiaires. Elle publie ainsi dès le 8 novembre une transcription de l'audition d'Haeffner en le mettant directement hors de cause, sans s'appuyer sur aucun autre élément que ses propres déclarations. Elle entend ensuite Nadja Daviar à partir du 12 novembre, levant la condition posée par le Congrès pour confirmer sa nomination à la vice-présidence des UCAS. A nouveau, la commission va la mettre hors de cause sur la base de ces seules déclarations. Elle va ensuite poursuivre ses auditions et sa lecture des rapports produits par les agences fédérales.

L'enquête
Au début de l'année 2058, la piste de l'attentat magique va prendre le dessus. L'actualité accroît la peur des menaces magiques : le 22 février, Ares lance l'opération Extermination pour éliminer les esprits-insectes de Chicago. Le FBI se dote à la même époque d'une Magical Security Task Force. Des descentes dans les locaux de groupes magiques sont largement médiatisées, mais ne vont fournir que peu d'éléments probants concernant l'assassinat du président.

Le nom de Jonas Grisham apparait pour la première fois dans le dossier le 13 mai 2058. A cette date, le FBI reçoit du siège d'Interpol à Lyon des renseignements provenant d'un service étranger ou corporatiste. Un ressortissant canado-américain, identifié comme Jonas Grisham, aurait été en contact avec un ou plusieurs membres du groupe terroriste Sixth Revolution au travers d'un serveur matriciel sécurisé situé à l'étranger dans le courant de l'année 2057. D'autres données de connexion prouveraient que Jonas Grisham se trouvait à Washington le jour de l'attentat.
Jonas Grisham, agé de 25 ans, n'est pas un jeune homme ordinaire. Magiquement actif, ce natif de Detroit entre au MIT&M grâce à une bourse d'étude. Il soutient en 2056 un thèse intitulée "Altération des interractions fondamentales de la physique par la magie" qui porte sur des sorts manipulation d'une précision subatomique. Grisham a étudié auprès des meilleurs professeurs de sa discipline, qui ont tous reconnu en lui un prodige.
Le groupe terroriste Sixth Revolution a été identifié pour la première fois par les services de lutte anti-terroriste en 2053. Il a revendiqué six attentats commis entre 2053 et 2057 dans les UCAS et les CAS, pour dénoncer l'utilisation industrielle de la magie. Tous ses attentats ont visé des corporations, plutôt que des cibles strictement politiques. Trois d'entre eux avaient pour cibles des chercheurs en thaumaturgie d'Aztechnology ou de ses filiales. Certains rapports de renseignement évoquent certes les tentatives faites par des individus proches du groupe pour acquérir une arme nucléaire, mais cela ne "colle pas" avec l'envergure limitée de ses actions.

Le FBI essaie de localiser Jonas Grisham, sans succès dans un premier temps. Les agents fédéraux ne le trouvent ni à son domicile ni à son ancien laboratoire. La piste n'est alors pas jugée prioritaire. Le FBI doit passer en revue des milliers de dossiers de personnes liées de près ou de loin à des organisations terroristes ou violentes actives sur le territoire des UCAS. De plus, en matière de coopération, la consigne non officielle est de traiter en premier lieu avec les services de renseignement du groupe Ares Macrotechnology. Les renseignements issus d'autres sources ne font l'objet que d'une vérification de routine s'ils ne viennent pas corroborer ceux d'Ares.
Malgré tout, la piste Grisham va remonter à la surface, et s'imposer à une partie des enquêteurs du FBI. Trop lentement. Le 8 août, à la veille du premier anniversaire de la mort du président Dunkelzahn, la commission Scott publie un volumineux rapport d'étape, qui dresse un inventaire des pistes explorées par les enquêteurs. Le nom de Jonas Grisham apparaît, parmi les milliers de pages du rapport, comme une personne qui aurait eu les connaissances techniques pour mener un attentat magique contre le Grand Dragon. L'affirmation est certes audacieuse. Jonas Grisham est déjà connu dans le milieu universitaire, où l'information est reprise et fini par atteindre les grands médias. UCAS Today met son portrait en page de garde, avec la question "cet homme a t'il tué le président ?" L'affaire Grisham commence.

Le General Attorney Mina Pantorelli minimise l'importance de Jonas Grisham dans l'enquête. En coulisses, le directeur du FBI, contre l'avis de celle qui est sa supérieure hiérarchique, fait de Grisham sa priorité. De son point de vue, la réputation du Bureau est en jeu. Jonas Grisham va faire l'objet d'une traque intense, avec l'aide de plusieurs autres agences fédérales. Grisham est finalement localisé en à peine 48 heures, à New York, d'où les agents le suivent jusqu'à... Washington, à quatre kilomètres à peine du Watergate et du siège du FBI ! Ordre est donné de ne pas divulguer l'information, pour ne pas accroitre davantage la pression médiatique sur une piste qui pourrait s'avérer fausse. Car le FBI a à peine assez d'éléments pour justifier son arrestation.
Selon les quelques éléments fournis par Jonas Grisham plus tard, sous couvert de coopération antiterroriste, les fédéraux auraient laissé un service "ami" l'exfiltrer des UCAS pour le placer en résidence surveillée en Europe. Pour le FBI, l'essentiel est de pouvoir affirmer aux médias que des agents ont interrogé Jonas Grisham est que celui-ci fait l'objet d'une protection, dans l'attente des suites de l'enquête. En fait, les agents en question ont parlé avec lui moins d'une demi-heure, en n'ayant aucune question particulière à lui poser (qui plus est, dans une situation ou tous les éléments recueillis n'aurait pas été recevable devant une cour de justice).

La commission Scott attend novembre 2058 pour reprendre la main. Elle a épluché pendant quatre mois tous les éléments rasemblés sur la possibilité d'un attentat magique, et interrogé de nombreux spécialistes. Le 21 novembre, elle annonce qu'elle souhaite auditionner Jonas Grisham, et fixe de sa propre iniative la date de l'audition au 1er février suivant. Plusieurs des membres de la commission, à commencer par le juge Richard Scott, veulent obliger le FBI à faire rappatrier Grisham sur le sol canado-américain.
La vice-présidente Daviar va volontairement faire retarder l'organisation du retour de Jonas Grisham aux UCAS au delà du 1er février. Ses conseillers ont pour consigne de relayer auprès des journalistes la complexité de la situation créee par le mode de coopération du FBI dans le domaine de la lutte antiterroriste, en particulier vis-à-vis d'Ares. Maneuvre politique, car si Ares a bien été impliqué dans la traque de Jonas Grisham, il n'est pas dans leurs mains. Le 1er février, la commission Scott annonce que l'audition de Jonas Grisham n'a pas pu avoir lieu dans les conditions prévues, donnant ainsi du poids aux commentaires distillés par les conseillers de Daviar.
Le transfert de Grisham a finalement lieu le 4 février, sans publicité. La commission procède à une audition à huit-clos pendant près de dix heures.

Contrairement aux règles suivies jusque là, la commission ne publie pas la transcription de l'audition, en reportant cette publication à une "date ultérieure." Les auditions et examens à huit-clos vont se multiplier pendant plusieurs mois. Dans les médias, les experts se perdent en conjecture, mais tous s'accordent pour dire que Jonas Grisham en est la cause. Finalement, le 8 août, Quentin Strapp, agissant pour l'occasion en tant que porte-parole de la commission, annonce qu'un grand jury fédéral va se réunir à huit-clos pour examiner le cas de Jonas Grisham. Conformément à la procédure, les charges qui pèsent sur lui ne sont pas précisées. Mais l'inculpation pour meurtre semble exclue dès le départ : ce grand jury est convoqué par le cour fédérale de Seattle, et non pas celle de Washington, qui aurait été compétente pour l'assassinat du président. Des fuites dans les médias dévoilent rapidement que les charges envisagées portent sur la détention et la transmission par Jonas Grisham d'informations sur la sécurité magique qui entourait Dunkelzahn pendant la campagne électorale (impliquant une société basée à Seattle), et qui pourrait tomber sous le coup de la complicité.

Le procès
Le grand jury fédéral siège à partir du 3 novembre, dans une ambiance désormais particulièrement tendue. Dès le premier jour, les Marshals arrêtent un premier individu qui tente de d'introduire dans le palais de justice. Au total, 27 personnes seront arrêtées par la Lone Star et les fédéraux pendant les quelques sept semaines que vont durer les auditions puis les délibérés. Le 18 décembre, alors que le grand jury va rendre a décision, un inconnu tire trois balles à courte distance sur le procureur Edward Brosmky, qui s'en tire avec des blessures sans gravité. Le tireur, lui, parvient à s'enfuir.
La décision du grand jury confirme les suppositions avancées jusque là dans les médias. Jonas Grisham est inculpé pour la détention et le recel d'informations appartenant à la corporation Field Active Support, Incorporated, qui fournissait l'infrastructure de communication de l'équipe de protection de Dunkelzahn, le recel et la détention d'informations intéressant la sécurité nationale, et la complicité de meurtre. Le grand jury aurait examiné un grand nombre des témoignages et de pièces rassemblées par le FBI et la commission Scott dont certaines, classifiées, ne seront pas présentées au cours du procès à venir. Pourtant, le Pentagone interviendra en urgence pour faire entièrement censurer le rapport d'un ses experts, qui évoque des dégâts sur la limousine qui aurait été causé par une arme nucléaire tactique ou un canon à energie dirigée plutôt que par la magie, ainsi que la théorie d'une double explosion, avant qu'il ne soit communiqué au grand jury. Heureusement pour les militaires, l'affaire ne s'ébruite pas, mais met en difficulté le secrétaire à la défense Andrew Maykrantz au sein de l'administration.
L'aggression contre le procureur le jour même de la décision pose immédiatement la question de la sécurité du procès et de l'accusé. L'administration Haeffner envisage de déployer des renforts de l'armée dans le centre-ville de Seattle. Dès le lendemain, la question est mise de coté.

Le 19 décembre, l'arcologie Renraku de Seattle est victime d'une panne géante, qui bloque tous les occupants et les visiteurs du centre commercial à l'intérieur. Dans les premières heures, les autorités craignent un acte terroriste de grande envergure en relation avec l'affaire Grisham. La réalité s'averra bien pire. Le 3 janvier, les forces armées établissent un périmètre de sécurité autour de l'arcologie. La tenue du procès à Seattle est désormais exclue. Le juge fédéral William O'Keefe décide d'un changement de lieu, au profit de la cour fédérale de district de Minneapolis.

Minneapolis Federal Courthouse
Minneapolis Federal Courthouse - Mulad

La situation de l'arcologie occupe désormais une place centrale dans l'actualité, et dans la période pré-électorale qui commence. L'affaire Grisham est reléguée au second plan jusqu'à l'ouverture du procès le 12 mars 2060 à Minneapolis. Jonas Grisham apparaît pour la première fois en public depuis le début de l'affaire, sous la protection d'un nombre impressionant d'agents fédéraux, de la police locale et de renforts de Knight Errant et Lone Star.
Face aux jurés et au juge fédéral Michael Clayton, le procureur général du district fédéral de Seattle, Edward Bromsky, et l'avocate de la défense, commise d'office, Catherine Reardon, du barreau de Washington, qui l'avait déjà assisté lors de son audition par la commission Scott. La différence de style entre accusation et défense est criante. Le procureur Bromsky doit démontrer deux faits simples : Jonas Grisham a été en possession de documents volés sur la sécurité magique de Dunkelzahn et il a transmis ces informations à des terroristes. Le travail des fédéraux ne lui a fourni aucun élément qui permette de relier directement Grisham à l'assassinat lui-même. Maître Reardon vise le doute raisonnable dans une affaire complexe, en allumant des contre-feux systématique à chaque fois que c'est possible. Elle ne va pas nier les faits présentés par l'accusation, mais raconter sa propre version de l'histoire, celle d'un Jonas Grisham informateur ou agent des services de renseignement d'Ares, impliqué dans une opération anti-terroriste clandestine. Et elle va réussir à créer le doute. Elle signe son premier coup d'éclat en mettant en difficulté Carla Brooks, responsable de la sécurité de Dunkelzahn et membre de la commission Scott, lors de son audition en tant que témoin.

Mais à quelques jours de l'audition attendue de Jonas Grisham par la défense, une bombe explose dans un immeuble résidentiel de Minneapolis. La police retrouve le corps d'un homme, identifié par le FBI comme Lawrence Corey, un membre du groupe Sixth Revolution et l'un des contacts de Jonas Grisham. Les premières constatations semblent indiquer qu'il aurait été tué par l'explosion de sa propre bombe, information révélée dans une conférence de presse du FBI. Le lendemain, maître Reardon annonce que Jonas Grisham ne souhaite plus témoigner. La rumeur circule même d'un plaider coupable.
La défense entame alors l'audition des proches de Grisham et de plusieurs experts en psychologie et criminologie. Mais elle obtient surtout l'audition d'un adjoint au directeur juridique de la NSA pour fournir des explications sur l'apport de l'agence à l'enquête. Elle évoque pour la première fois un appel téléphonique passé par Dunkelzahn juste avant sa mort à un correspondant situé à la frontière entre l'Aztlan et le Texas. La NSA refusera de divulguer la moindre information pour confirmer ou infirmer l'existence de cet appel, mais le but recherché par Reardon est atteint. Tous les médias s'emparent de cet appel mystérieux, qui évoque la possibilité d'opérations clandestines menée contre l'Aztlan depuis le territoire des CAS. Le secrétaire à la défense est contraint de démissionner le directeur de la NSA, William Hewitt, et sait désormais ses chances d'être reconduit après les élections pratiquement nulle.

Le 4 juin, la cour entend Kevin Swain, cadre de la direction des ressources humaines d'Ares, qui a tenté de recruter Jonas Grisham à deux reprises. Il apparaît manifestement géné lorsque Reardon évoque le nom de Basinsky, mentionné dans un message qu'il a transmis à Grisham, et refuse de confirmer s'il s'agit de Conrad Basinsky, le directeur adjoint au renseignement d'Ares.
La mégacorporation, après avoir accepté de faire témoigner l'un de ses cadres, peut difficilement refuser publiquement l'audition de Basinsky. Elle prétexte dans un premier temps l'absence temporaire du directeur adjoint, envoyé opportunément à bord de la station spatiale Daedalus. Son retour sur Terre est repoussée plusieurs fois, jusqu'à ce que le juge Clayton évoque l'idée d'un témoignage par visio-conférence. Le lendemain, Basinsky est de retour aux UCAS par un vol spécial. Son audition est finalement prévue pour le 14 juin.
La surprise est totale lorsque maître Reardon délivre un interrogatoire atone, sans soulever aucune des questions importantes. C'est le procureur Bromsky qui va poser ces questions, dans ce qui passe alors pour le véritable tournant du procès. Il évoque en pleine audience des pressions exercés contre l'avocate de la défense. A la sortie du tribunal, alors que Reardon n'est visible nulle part, Bromsky va réunir le cercle le plus large possible de journalistes. Il déclare que la théorie présentée par la défense d'une mission clandestine de lutte anti-terroriste apparaît crédible, et que le scénario qui prend désormais corps est celui d'une opération qui a mal tourné et permis à des terroristes de commettre leur attentat.

La cavale
Les commentateurs n'auront guère le temps de disserter sur la nouvelle ligne de l'accusation. On apprend le lendemain matin l'évasion de Jonas Grisham. Il a bénéficié de l'aide d'un complice pour se libérer, avant d'utiliser ses capacités magiques pour neutraliser les agents fédéraux chargés de sa garde, sans pour autant faire de victimes. Le procès est suspendu, et une nouvelle traque commence. Cette fois-ci, les moyens déployés incluent l'ensemble des agences fédérales et les forces locales de six états (et plus du double par la suite). La Lone Star et Revlup profittent de la situation ambigue d'Ares pour mettre en avant leur contribution, avec la mise à disposition de leurs meilleures équipes de recherche. Au même moment, et en tout discrétion, le département à la justice communique à Ares Macrotechnology une demande officielle d'accès à tous les dossiers que la mégacorporation détient sur Jonas Grisham.
Le 18 juin, parmi tous les appels fantaisistes reçus par les Marshals et le FBI, une piste sérieuse apparaît : Grisham aurait été vu par plusieurs témoins à Des Moines, accompagné d'un homme et d'une femme. Deux jours plus tard, le corps d'une femme correspondant à la description est retrouvée. Il s'agit de Sandy Reardon, la soeur de Catherine Reardon. Le juge Clayton propose immédiatement à l'avocate de se retirer du procès et d'être remplacé, mais elle refuse. Le FBI annonce que Jonas Grisham est désormais recherché pour enlèvement et meurtre, mais doit reconnaître l'absence d'éléments probants. Le complice de Grisham n'est alors toujours pas officiellement identifié. Les rumeurs parlent d'un enregistrement de caméras de surveillance qui a été transmis à plusieurs services de renseignement, mais le FBI nie son existence quelques jours plus tard.

La présence du procureur Edward Bromsky et de la vice-présidente Daviar à l'enterrement de Sandy Reardon, qui a lieu le 1er juillet à Lancaster en Pennsylvanie, est remarquée. Le 19 juillet, le président Haeffner reçoit Bromsky et Reardon à Camp David, ainsi que les membres de la commission Scott. Les médias y voient, probablement à raison, une reprise en main de l'affaire à un niveau plus politique. Face aux journalistes, le président Haeffner se montre certain que le procès aura touché son terme avant les élections de novembre, mais que la question de la lutte contre le terrorisme trouvera toute sa place dans la campagne.
Les déclarations du président n'empécheront pas le retour en force de l'affaire sur la scène politique. Les manifestations et les blocages de sites matricielles se multiplient pour dénoncer un "procès politique" et la stigmatisation des magiciens (pas forcément sans fondement après les descentes de 2058). Nombreux sont ceux qui prédisent que Jonas Grisham sera abattu lors de son arrestation. A partir du 15 août, les manifestations sont quotidiennes à Washington. Elles sont en revanche violemment dispersées à Seattle et Minneapolis.

L'affaire de Saint-Louis
D'après des sources concordantes, Edward Bromsky se rend précipitament à Saint-Louis, Missouri, le 3 août, pour y rencontrer le professeur Clifford Williamson, éminent chercheur de l'université de Sydney, considéré par beaucoup comme un possible futur prix Nobel de physique. Williamson travaille précisément dans le même domaine de recherche que Grisham. Le 6 août, Reardon effectue un bref passage à Saint Louis. Brosmky se trouve encore à Saint-Louis le 8 août, lorsque le professeur Williamson est abattu par un tireur isolé dans un restaurant du centre-ville. Les agents du FBI chargés de sa protection lui auraient fait quitter les lieux avant qu'il puisse être interrogé par la police locale.
Cet épisode ne sera jamais évoqué publiquement dans le cadre du procès ou de ses suites. Grisham et Williamson étaient-ils en contact dans le cadre de leurs recherches ? Williamson a t'il servi à transmettre un message ? Ou bien son expertise était-elle nécessaire pour comprendre des documents fournis par Grisham ?

Le 10 août, Grisham est repéré à Hays, au Kansas. L'homme qui l'accompagne est désormais identifié, avec "un haut degré de certitude" comme Lucas Baner, membre du groupe terroriste Sixth Revolution. Plusieurs éléments suggèrent que les deux hommes pourraient essayer de rejoindre Denver. Le chef Sioux Ethan Wolfson, connu pour ses positions anti-canado-américaines, déclare vouloir donner l'asile politique aux deux fugitifs. Il est immédiatement repris par le porte-parole du conseil des chefs. Les autorités sioux, pueblos, utes et confédérées se déclarent prêtes à aider leurs homologues pour capturer le fugitif. Le 29 août, on apprend que l'armée sioux a arrété Jonas Grisham, sans préciser s'il a été pris sur le territoire sioux ou dans Denver. Il est expulsée du territoire et remis au FBI le 1er septembre, qui doit désormais organiser son retour à Minneapolis sous haute protection. Rien ne filtre sur le cas de Lucas Baner, qui aurait été également arrété par les sioux, après avoir abattu deux militaires. Les autorités de Cheyenne restent sourdes aux demandes de Washington pour le récupérer. La rumeur parle d'une intervention de Roger Soaring-Owl, le vice-président exécutif de Knight Errant Security Services.

Les derniers jours
Jonas Grisham est de retour le 8 septembre à Minneapolis. Le procès doit reprendre, en présence de l'accusé, le 15 septembre. Il reste alors moins de sept semaines avant l'élection présidentielle. On évoque de nouveau un plaider coupable, ou au moins le témoignage de Jonas Grisham lui-même devant la cour. Pendant que Jonas Grisham était en fuite, Ares Macrotechnology a notifié son refus de communiquer davantage de documents en faisant valoir son extraterritorialité. Reardon, qui comptait peut-être sur ce résultat, abat sa dernière carte en demandant l'audition du représentant légal d'Ares Macrotechnology, le seul à même de décider de divulguer les informations que détient la mégacorporation, c'est à dire son directeur général Damien Knight.
Les médias du groupe Ares tirent à boulet rouge sur cette demande, décrites comme une tentative désépérée de la défense pour créer le spectacle. C'est sans compter sur la campagne électorale qui bat son plein, relayée par les autre médias. En particulier, la vice-présidente Nadja Daviar y trouve l'occasion de rappeler les critiques de l'année précédente sur le rôle joué par les services de renseignement d'Ares. Damien Knight accepte de venir témoigner en personne au procès Grisham. Son audition est prévue pour le 20 septembre. Catherine Reardon va mener un interrogatoire courtois, pour obtenir la seule réponse qu'il lui faut : Jonas Grisham a t'il été approché par les services de renseignement d'Ares. C'est Edward Bromsky qui va créer la sensation, en accusant clairement les services d'Ares d'avoir laisser des agents infiltrés être impliqué dans l'assassinat de Dunkelzahn. Ce sont les éléments que chacune des parties mettrons en avant dans leur plaidoiries le même jour. Le jury peut se retirer pour délibérer.

EXTRAITS DU PROCES
13/04/2060 - audition de Carla Brooks, chef de la sécurité de Dunkelzahn
28/05/2060 - audition de Matthew Rodman, adjoint au directeur juridique de la NSA
04/06/2060 - audition de Kevin Swain, cadre de la direction des ressources humains d'Ares Macrotechnology
14/06/2060 - audition de Conrad Basinsky, directeur adjoint au renseignement d'Ares Macrotechnology
20/09/2060 - audition de Damien Knight, directeur général d'Ares Macrotechnology

Le verdict
Le jury rend son verdict le 24 septembre 2060. Jonas Grisham est reconnu coupable de détention et recel de données appartenant à Field Activity Support. Les charges de détention et recel d'informations intéressant la sécurité nationale, et surtout celle de complicité de meurtre, ne sont pas retenues. Jonas Grisham est condamné à cinq ans de prison.


L'EPILOGUE

L'administration Haeffner s'était préparé à ce cas de figure. Dans un discours prononcé le jour même, le président désigne un nouvel enemi : "Le travail de la commission et le procès de Jonas Grisham ont révélé l'existence des réseaux terroristes mouvants qui constituent un nouvel enemi intérieur. Les membres des cellules qui ont été impliqués directement et indirectement dans l'attentat contre le président Dunkelzahn et l'arcologie de Seattle peuvent ne pas être identifiés. La priorité de la lutte anti-terroriste sont les idéologues, les stratèges et les financiers de ces groupes, ceux qui ne laisseront jamais leurs empreintes sur la gachette. Ils doivent être neutralisés. Ils le seront."
En désignant nommément et indifféremment des groupes pronant la haine raciale, l'action écologiste, l'emploi massif de la technologie et de la magie, ou la réunification des USA, le candidat à la réelection met en difficulté tous ses rivaux dont les positions peuvent être assimilées aux leurs. Puis c'est la vice-présidente Nadja Daviar qui va, dans un discours qui se veut plein d'émotions, annoncer qu'elle a proposé au président de mettre un terme au travaux de la commission Scott et à la recherche des assassins de Dunkelzahn, pour passer à l'offensive.

Le 7 novembre 2060, dans une élection dénuée de tout suspens, le président Kyle Haeffner et la vice-présidente Nadja Daviar sont réelus par une large majorité des électeurs.