En 2038, les services spéciaux français montent une vaste opération qui va fournir aux seigneurs de la guerre du sud-est asiatique des moyens de guerre électronique pour s'opposer aux troupes javanaise dans l'Isthme de Kra. Nom de code : Tanto. Retour en arrière.
Tout commence par une rivalité entre japonais et chinois. Les années 2030, marqués par la dislocation des Etats-Unis Américains et Canadiens et les Guerres Européennes, font une nouvelle fois de l'Asie le moteur économique du globe. Le bloc économique japonais est lui-même préeminent dans le continent. Le groupe européen Keruba International a été repris par des investisseurs japonais à travers le holding Renraku Computer Systems ; Fuchi Industrial Electronics diffuse la technologie du cyberdeck et rachète JRJ International. Les décideurs corporatistes japonais voient dans la place financière de Hong Kong et son arrière-pays cantonais un rival régional qu'il convient de contrebalancer. Ils vont soutenir Singapour dans un rôle de satellite pour confiner Hong Kong dans le même rôle, et concentrer la puissance économique asiatique au Japon.
Depuis 2029, la junte militaire au pouvoir à Jakarta a ouvert largement l'économie de Java aux corporations japonaises. En 2035, celles-ci offrent de financer les opérations militaires contre les seigneurs de la guerre de la région qui sont derrière la piraterie et le trafic de drogues. L'objectif est triple : débarasser le détroit de Malacca des pirates, stabiliser les relations entre les différents pays indonésiens en envoyant les troupes javanaises combattre ailleurs, et finallement contrôler le jeu d'alliance régional pour pousser Singapour dans le giron japonais. Les opérations vont se concentrer sur l'isthme de Kra, au sud de la Thaïlande, à proximité de la frontière malaise. Les japonais font pression sur le gouvernement Malais pour lui faire accepter l'intervention javanaise. A ce moment là, les Euroguerres ont fait entrer le monde musulman en ébullition, et c'est la religion majoritaire dans le sud de la Thaïlande. Si les troupes malaises ne participent pas au combat, les javanais pourront utiliser certaines bases militaires en Malaysie pour leur soutien logistique et aérien.
Les japonais financent l'achat de matériel militaire moderne pour les troupes javanaises. Dans un premier temps, il s'agit de stocks d'armes acquis auprès de l'Inde, elle-même armée par les européens pour éviter une extension à l'est du conflit avec les pays musulmans. Cet armement permet aux javanais d'attaquer avec succès les bases des seigneurs de la guerre, jusqu'aux premiers revers de l'été 2037. Le soutien financier et matériel des Triades chinoises permet aux seigneurs de la guerre de contester le contrôle du terrain aux javanais. Des commandos entrent même en territoire malais pour s'en prendre aux bases militaires le long de la frontière.
Une deuxième filière, australienne, commence alors à alimenter l'armée javanaise. Toujours avec le financement des japonais, Jakarta acquiert des systèmes de communications avancés, des drones et des implants. La majorité du matériel provient en majeure partie de la société KR Systems, une entreprise de Darwin dans le nord de l'Australie, ou de ses clients. La société produit des logiciels d'interface dédiés aux implants et aux systèmes d'armes utilisées par les forces armées australiennes. Elle a également été pendant les années 2020 un paravent de l'ASIS, les services de renseignement australiens (et d'après certains, encore dans les années 2030, pour acquérir des technologies japonaises). Des enquêtes ultérieures ont également établi que des versements provenant des sociétés-écrans utilisés par les japonais avaient également été effectué auprès de la société Red Electronics, pour laquelle aucun lien a priori n'a pu être établi, avant le rachat simultané de KR et Red Electronics par Werner Global en 2039.
Les corporations européennes commencent à investir massivement à Java à partir de 2035, malgré l'opposition des japonais. Les japonais sous-estiment la menace et ne dévient pas de leurs plans. Après avoir réussi leur implantation économique, les européens vont tenter d'affaiblir les liens entre la junte militaire et les groupes japonais. Les compagnies britanniques, neerlandaises et portuguaises sont en première ligne, mais ce sont les français aidés par les allemands qui vont passer à l'offensive.
Des agents français et de la corporation Esprit Industries présents à Hong Kong et Bangkok vont fournir à des filières de trafics d'armes tenues par les Triades des logiciels militaires : virus, brouillages, et même un prototype de virus "tueur d'implant". A Paris, l'opération a pour nom de code Tanto. Les logiciels proviennent de la société allemande Mueller-Schlüter Infotech (MSI), qui travaille alors avec le groupe français Esprit Industries sur plusieurs contrats précisèment dans l'équipement de guerre électronique.
Ces logiciels se retrouvent rapidement dans les mains de groupuscules terroristes japonais, de runners, ou des rebelles sibériens, mais c'est dans les mains des seigneurs de la guerre du sud-est que ces moyens de guerre électronique vont se faire remarquer. Ils s'avèrent redoutables contre une armée javanaise qui emploie drones et armes guidés en masse. Les forces armées javanaises subissent des revers importants, et les japonais finissent par lacher la junte javanaise au début 2039, refusant d'investir plus de moyens. Les conseillers japonais sont evacués du théatre des opérations, et les deux principaux faucons de Jakarta seront assassinés, apparement par des tueurs payés par les Triades.
Mais malgré la fin des opérations javanaises et le revers que celà va constituer pour les corporations japonaises dans la région, l'opération Tanto va faire long feu. La vente des programmes militaires dégage des gains conséquents, que se partagent les Triades et les services spéciaux français et d'Esprit. Elle est remplacée par la vente de matériel plus conventionnel, dont le plus emblématique va être le pistolet-mitrailleur Uzi 3, livré par conteneurs entiers en Asie du sud-est. Cette arme, dont le gouvernement français avait lancé la production pour armer les paramilitaires grecs pendant les Euroguerres, va se répandre dans le monde entier, en bonne partie gràce à l'opération Tanto (à l'instar de l'AK-47 en son temps, l'Uzi 3 sera dans les années 2050 l'arme la plus fréquement employée dans les crimes commis en Amérique du Nord). Les agents français utilisent l'argent de la vente d'armes dans une caisse noire pour financer d'autres opérations, et des mécanismes de blanchiment d'argent sont mis en place par certaines filiales du groupe Esprit.
En février 2040, l'homme d'affaires franco-chinois François Chong-le est assassiné à Bangkok. Proche de plusieurs personnalités politiques françaises, Chong-le est aussi partie prenante dans l'opération Tanto. L'argent qu'il avait gagné en Asie avec le trafic d'armes avait été ensuite utilisé dans une opération particulièrement sensible en France, pour corrompre des employés et mettre en place une surveillance de sièges corporatistes. Le gouvernement français décide de lacher le réseau de l'opération Tanto avant que les media s'intéressent aux largesses de Chong-le envers la classe politique et plus particulièrement le maire de Lyon. La police française, avec le concours des services britanniques et de la NMA, démontent l'ensemble de la filière en amont en France et en Allemagne. Quelques membres des Triades seront arretés à Hong Kong. De vastes pans du réseau ne feront en revanche l'objet d'aucune investigation poussée.