LA CHUTE DES SERAPHIM | 04/03/2012 | le dossier

Les Seraphim, les services spéciaux de la corporation Cross Applied Technologies, m'avaient inspiré d'autant plus que la corporation autant que ces agents étaient quelque peu délaissé par les auteurs. J'avais fait une proposition pour Loose Alliances qui avait été refusé et que j'ai publié sur mon site. Je comptais ensuite en faire une version condensée dans un chapitre sur l'espionnage dans SOTA:2064 qui a bien été écrit, mais par quelqu'un d'autre, qui a traité les Seraphim d'une façon que j'ai trouvé dénué d'originalité.

A plus ou moins long terme, le sort d'une corporation comme Cross Applied Technologies, qui jouait un rôle faible mais occupait une place à la Cour corporatiste, était joué. Dès l'instant où le conflit avec Ares Macrotechnology commençait à devenir répétitif, et que l'occasion se présenterait, Cross disparaîtrait de la scène. Cette occasion fut crée par System Failure, un supplément spécialement conçu pour justifier les bouleversements souhaités pour la 4e édition.

Dans System Failure, Lucien Cross, le patron de Cross Applied Technologies, décédait dans un accident d'avions causés par un crash informatique mondial (un lien plutôt ténu avec les autres événements). Les activités des Seraphim étaient compromises par un moyen indéterminé. La Bank of America, filiale d'Ares Macrotechnology, et la Frankfurter Bankverein s'emparaient des dettes de Cross Applied Technologies. Puis Ares Macrotechnology commenca à racheter des filiales de Cross.

La première chose qui m'a agacé, c'était d'être privé d'un élément que j'utilisais. La seconde, c'est que j'ai trouvé que c'était mal fait, principalement pour une raison, en fait très courante dans Shadowrun. La majorité des auteurs n'ont pas une idée très précise du fonctionnement des entreprises.
Le mot "filiale" décrit une société qui est déténu majoritairement, à plus de la moitié des droits de vote donc, par une maison-mère. Il est donc impossible de la racheter sans que la maison-mère vende une partie de ces actions, ou accepte une émission d'actions qui l'amènne à avoir moins de la moitié des actions. A moins de l'existence d'options d'achat ou d'obligations convertibles en quantité suffisante, cas plutôt inhabituel, on ne peut pas racheter une filiale sans l'accord, même forcé, de la maison-mère. Et selon moi, dans le cas de Cross, ses dirigeants avaient des raisons évidentes de ne pas vendre à Ares, et de choisir plutôt une autre corporation, quitte à y perdre quelques millions de nuyen.


Comme je me contraint presque toujours à respecter ce qui a été publié (et jusqu'ici quelque soit la qualité des suppléments qui sortent...), j'ai chercher comment détailler la chute de Cross Applied Technologies et des Seraphim et rendre l'enchaînement des événements plus vraissemblables. J'ai aussi essayé d'ouvrir de nouvelles intrigues plutôt que de mettre un point final.

L'intervention de la Frankfurter Bankverein (FBV, ou FBA pour Frankfurt Bank Association) dans System Failure au coté d'Ares Macrotechnology était un point intéressant, car la seule autre association des deux corporations a eu lieu à ma connaissance dans la campagne allemande Shockwellen (un résumé a été publié en français sous le titre Ondes de Choc). L'adversaire d'Ares et de la FBV était Proteus AG, qui avait des liens avec les Seraphim, que j'avais justement commencé à développer. Il n'est jamais évident de savoir ce l'auteur avait réellement en tête, mais de mon coté au moins, les pièces du puzzle se mettaient en place.

La deuxième partie fait le lien avec les tentatives de coup d'état en Amérique du nord, qui sont un des événements majeurs de System Failure (bien qu'il soit surtout question du coup d'état aux UCAS). Je préfère toujours limiter tant que possible les coincidences, et chercher l'effet domino qui justifie qu'un événement arrive au même moment qu'un autre. Lucien Cross était sensé avoir recruté les premiers Seraphim grâce à ses contacts dans le milieu du renseignement. J'avais imaginé qu'entre la fin des années 2030 et le début des années 2040, à l'époque où il crée sa corporation, il pouvait justement y avoir de nombreux agents qui quittent les services américains plutôt que de devoir choisir entre les UCAS, les CAS ou la Californie. On pouvait alors imaginer que dès ce moment-là, des membres des Patriotes américains (j'utilise plutôt ce terme que le nom de "Nouvelle Révolution", "New Revolution" en anglais, qui n'est pas connoté de la même manière pour un lecteur français) aurait pu profitter de la création des Seraphim pour créer une cellule dormante, et une autre chez Ares Macrotechnology avec la création de Knight Errant à la même époque. Le choix du nom de code biblique Joshua pour une personne attachée à la nation américaine me paraissait aller de soi, encore que j'ignore pourquoi cette association d'idée (Joshua Tree ?).

Un élément qui a provoqué un déclic chez moi et m'a laissé croire qu'il était possible de construire une intrigue intéressante autour de la fin des Seraphim est l'irruption de Nicholas Aurelius Junior au conseil d'administration d'Ares Macrotechnology dans Corporate Guide, comme représentant de la holding Gavilan Ventures, choisi par le conseil d'administration de la Draco Foundation. Au premier plan, on voit clairement l'intention derrière le choix d'une personne qui, pour des raisons familiales et historiques (il a suivi son père quand celui-ci a quitté Ares et rejoint Cross), ne fera pas de cadeaux au patron d'Ares, Damien Knight.
Par ailleurs, Nicholas Aurelius était, dans Corporate Download, une exception parmi les cadres d'Ares qui avaient rejoint Cross, car il travaillait étroitement avec les Seraphim. A la tête de Cross Advanced Electronics, son interlocutrice était Jezebel Surrateau, alias "Gabriel". Surrateau avait par ailleurs pris le contrôle d'une partie du réseau opérationnel du grand dragon Dunkelzahn après sa mort, qui echappait donc à la Draco Foundation. Ajoutez à celà que la présidente du conseil d'administration de la Draco Foundation en 2064, Nadja Daviar, avait disparu à Seattle, et vous aviez une convergence remarquable d'éléments. Et comme je disais plus, je préfère limiter les coincidences.

Avant de concevoir ces intrigues, j'avais déjà envisagé une autre solution pour permettre la survie des Seraphim et des intrigues qui les entoure. C'est ainsi que Katrina Showski, la directrice de Cross European Developement et la probable chef des opérations des Seraphim en France et en Europe, est mentionnée comme la PDG d'Esprit Industries dans Cartels fantômes. Ce mouvement permettait de renouveler la direction d'Esprit (ce qui est fait trop rarement dans les corporations de Shadowrun) sans pour autant sortir un nouveau nom d'un chapeau et de suggérer que les vrais Seraphim pourraient continuer leurs activités au sein du SDEI, les services spéciaux d'Esprit Industries, tandis qu'Ares n'aurait récupéré que les lampistes. C'était avant que 25 caractères dans Corporate Guide fassent d'Esprit Industries une filiale d'Aztechnology.

J'ai d'abord travaillé sur l'ajout dans les versions françaises et allemandes de Corporate Guide de descriptions de plusieurs corporations européennes supplémentaires. Ca a été annulé, faute de moyens financiers pour rémunérer les auteurs. Dans un premier temps, j'avais proposé qu'Aérospatiale SA, qui a toujours manqué de visibilité depuis son introduction dans Shadows of Europe, soit absorbée dans Esprit Industries. L'histoire aurait mis en scène un réglement de compte entre les familles Bourbon et Rochefort après les événements de la campagne Mauvais Présage de SOX. Une tentative d'OPA d'Aésa sur Esprit devait créer les conditions d'une rumeur ou, pendant quelques heures, le milieu financier croit qu'Aztechnology a pu réussir à prendre le contrôle d'Esprit (expliquant les deux mentions contradictoires de Corporate Guide où Esprit est une filiale sur un page, un concurrent sur une autre). Finalement, une OPA inverse devait permettre à Esprit de racheter Aésa.
Puis, le chef de gamme a annoncé que le rachat d'Esprit Industries par Aztechnology était acté. J'étais assez mécontent d'être privé de cette façon d'une corporation que je mettais souvent au centre du jeu en France, mais je me suis remis au travail. Car, si Esprit devait disparaître dans les tréfonds de l'organigramme d'Aztechnology, ca se devrait d'être grandiose. Je gardais l'idée d'un affrontement entre Bourbon et Rochefort, où les second choisirait finalement de demander l'aide d'Aztechnology pour éviter la défaite.

Je me suis rendu compte depuis qu'il y avait une possibilité assez logique pour que les Seraphim rejoignent plutôt Aérospatiale SA (Aésa). Parmi les détails qui n'apparaissent pas dans Shadows of Europe (SoE), Cross European Development était majoritaire au capital d'Alcatel-Nokia, société membre du consortium Eurotronics (que je renomme généralement A-N Telecom pour gommer l'image des sociétés actuelles et limiter la confusion avec la corporation Erika, qui se voulait la fusion d'Ericson et Nokia), avec comme deuxième actionnaire Amas International, la holding de la famille d'Amat. Le consortium Eurotronics devait être une alliance de corporations qui se servaient désormais toutes des moyens et de l'extraterritorialité du consortium pour des opérations illégales. Dans le cas de Cross et d'Alcatel, c'était donc une couverture pour les Seraphim.
A l'issue de la campagne Mauvais Présage de SOX, les Amat voulaient vendre aux Bourbons leurs parts dans Aésa. D'après les chiffres données dans SoE, les Bourbons deviendraient ainsi les premiers actionnaires d'Aésa, devant l'état français. Pour justifier qu'Aésa prenne de l'envergure, je pensais ajouter d'autres actif d'Amas International, comme par exemple les parts dans Alcatel. Il y avait donc un lien possible entre Aésa et Cross. Et au moment où les Bourbons envisagent de prendre le contrôle d'Esprit Industries, il aurait été logique de leur part de chercher à s'entourer de spécialistes de l'intelligence économique qui ne viennent pas du SDEI d'Esprit, connu pour être noyauté par les anciens militaires et membres des services secrets français, dans leur ensemble plutôt loyaux au général Alexandre de Rochefort et au président du conseil d'administration André Fergern. Ils pouvaient les trouver au sein du consortium Eurotronics, en reprenant la participation d'Amas International. Et c'est de cette façon que je pouvais faire entrer en scène Katrina Showski comme directrice général d'Esprit Industries, avant de pouvoir la "rappatrier" au sein d'Aésa.

Le défaut qu'il y a présent, à avoir des Seraphim au sein d'Ares Macrotechnology, des Patriotes, d'Esprit Industries, et pour élargir les possibilités, de Proteus AG ou d'ailleurs, c'est une dispersion qui empêche d'avoir une vision d'ensemble claire des intrigues. Auparavant, j'avais plusieurs intrigues (l'opération du 23 janvier 2033, les projet secrets de Proteus AG, le conflit avec Ares, l'oeuvre de Léonard de Vinci, et donc maintenant les Patriotes) qui étaient rassemblé sous le couvert des Seraphim. Et encore, j'ai depuis mis de coté l'idée que les Seraphim auraient pu constituer le chapitre québecois de la Loge Noire (ce qui aurait pu être une autre explication des noms de code bibliques, surtout quand on connait l'histoire non publiée de la Loge Noire). Rétrospectivement, je suis content de ne pas être parti sur cette voie, vue le manque d'envergure de la Loge Noire dans Conspiracy Theories.
Puisqu'il n'y a plus une organisation unique, il s'agirait de faire l'inverse, en se concentrant sur une seule intrigue, où les différents "héritiers" des Seraphim seraient en concurrence. Pour une fois, il y aurait même une certaine crédibilité à avoir dans chaque camp de multiples taupes et agents doubles ou triples. L'opération du 23 janvier 2033, les projets de Proteus et le conflit contre Ares appartiennent au passé et sont des sujets clos ou presque pour ce qui me concerne (les deux premiers sont intégrés dans le contexte de l'opération Charon, le troisième est justement traité dans System Failure). Les énigmes laissées dans les oeuvres de Léonard de Vinci devrait être au centre de la rivalité entre les anciens Seraphim (on retrouvera la forte inspiration d'Alias là). Il faudrait encore trouver comment cette intrigue peut interragir avec l'appartenance d'une des factions aux Patriotes, et mieux caractériser la faction qui appartient à Proteus. De façon assez amusante d'ailleurs, il y aurait alors deux factions américaines, une faction française et une faction allemande, et sans doute les auteurs de chaque pays qui favoriseraient l'équipe locale.


Pour l'illustration, ca m'a pris comme une envie d'en ajouter une pour trancher avec le coté un peu massif du texte, alors que je ne trouvais pas de sujet pour ajouter des encadrés.