Le dossier sur l'Egypte s'est retrouvé être l'un des tous derniers d'Onyx que j'ai repris. C'est par hasard que le moment où le site shadowrun.fr voulait faire la mise à jour de son portail m'a incité à m'occuper un peu de ce site, quelques semaines après que le départ d'Hosni Moubarak du pouvoir en Egypte et le début d'une guerre civile en Libye (et pas Lybie comme j'ai du l'écrire dix fois avant de me corriger).
Le premier problème que j'ai rencontré en voulant mettre ce dossier à jour, c'est la compatibilité avec l'univers de Shadowrun et les suppléments publiés. Le problème s'est posé de manière assez systématique pour tout le contenu de ce site. Il faut rappeler que mon premier site, Shade, a commencé en 2000. A l'époque, j'étais encore loin d'avoir lu tous les suppléments qui existait pour Shadowrun, sans parler de ceux qui n'existaient pas encore.
Shade a eu cinq dossiers géographiques : Hong Kong, Egypte, Australie & Nouvelle-Zélande, Singapour, et Sydney. Le suivant prévu sur la liste aurait dû être Stockholm, au moment où j'ai découvert et rejoint le projet EuroSB. Le problème a été la parution par la suite de supplément qui n'était pas compatible avec ce que j'avais écrit. Hong Kong a été évoqué dans Dunkelzahn's Secrets: Portfolio of a Dragon et Corporate Download (avec l'apparition de la corporation Wuxing) puis décrite dans Shadows of Asia et Runner Havens. L'Australie a fait l'objet d'un supplément qui lui était presque entièrement dédié, Target: Awakened Lands, et la Nouvelle-Zélande était évoqué brièvement dans Sprawl Survival Guide et Shadows of Asia, comme Singapour. Pour l'Egypte, c'est Target: Awakened Lands et Target: Wastelands (sur la Libye) qui en faisaient les premières et pratiquement seules mentions jusqu'à Feral Cities et surtout Sixth World Almanac.
Le dossier égyptien était celui qui avait le mieux résisté au passage du temps, au moment du passage de Shade vers Onyx. J'avais ajouté à ma description les événements décrits dans Target: Awakened Lands sur les manifestations astrales et les vies antérieures. Trans-Global Operations, la corporation australienne que j'avais inventé, avait été remplacé par Tanamyre Resources, présenté aussi dans Target: Awakened Lands et qui avait exactement les mêmes domaines d'activité. Dragons of the Sixth World faisait mention des nubiens et de la persistence d'un Soudan indépendant. Au départ, je m'étais basé sur la célèbre carte de Wordman du Sixième Monde, où il réunissait Egypte et Soudan en un seul pays. J'avais donc, suivant les suppléments publiés entre temps, rendu le Soudan et annexé la Libye. Quelques années plus tard, la carte publié dans Sixth World Almanac (enfin une carte du monde officielle... même si elle n'est pas exempte de défauts) où la Libye et le Soudan avait été annexé par l'Egypte. Bien sûr, personne a aucun moment parmi nous n'a anticipé l'indépendance du Soudan du sud. Mais il convient de rappeler que l'histoire de Shadowrun diverge de la notre sur certain point. Maintenant qu'on est en 2011, cela risque de devenir de plus en plus évident. Ironiquement, l'année ou la Libye aurait du attaquer Israel avec des armes chimiques d'après Shadowrun, le colonel Mouammar Khadafi acceptait de mettre un terme à son programme d'armement sous le contrôle de l'ONU.
Dans cette nouvelle version, j'ai finalement fait assez peu de modifications. J'ai ajouté deux corporations du Moyen-Orient, Global Sandstorm et Xenel-Oman, qui sont apparus dans plusieurs suppléments. L'interdiction totale de la magie est dans Sixth World Almanac.
"Al Akhirah Aswad Mayid" apparaissait pour la première fois en Andalousie dans Shadows of Europe. L'activité criminelle entre le Maroc et l'Espagne est suffisament importante pour vouloir mettre un nom sur le crime organisé de la région. A mon avis, il n'était pas question qu'elle devienne l'unique organisation criminelle agissant dans tous les pays arabes du Maroc à la Syrie. C'est sans doute l'expression d'une vision assez simpliste du monde arabe.
Dans un scénario que j'ai joué, j'avais repris l'idée du "califat de Tanger" de la BD Zentak (elle-même tiré du jeu de rôle Cyber Age, que je n'ai pas eu entre les mains). Les personnages fuient l'Europe et trouvent refuge à Tanger, où ils sont temporairement à l'abri de la corporation qui les poursuit. J'avais ainsi imaginé les émirats de Tanger, une série de place-fortes appartenant à des chefs de bandes, des émirs (le titre de calife a une toute autre dimension), où les invités sont à l'abri de leurs poursuivants, conformément aux règles de l'hospitalité. C'est à partir de là que j'ai contruit ma vision personnelle d'Al Akhirah Aswad Mayid (qui n'a depuis SoE pas été l'objet de beaucoup d'attention, y compris dans Vice). J'ai tendance à ressortir cette formule pour la décrire : pour être reconnu comme un émir, il faut respecter les règles de l'hospitalité et de l'honneur.
Dans Ghost Cartels, le cartel d'Olaya envoie Antonio Cordoba pour négocier avec Al Akhira Aswad Mayid au Caire, puis à Lagos. Lorsque j'ai fait jouer des scénarios tournant autour de ce trafic, j'ai considéré que ni le Caire ni Lagos n'était des cibles potentielles pour vendre de la drogue au détail. Au lieu que le cartel d'Olaya livre directement chacun de ses distributeurs dans le monde, jusqu'à Rotterdam ou Saint Petersbourg, j'ai trouvé plus "réaliste" que les pays africains servent, comme ils le font actuellement, de plate-forme logistique aux cartels colombiens. La drogue est transportée d'Amérique du sud en Afrique en grosse quantité, puis à travers l'Afrique jusqu'à l'Europe de manière plus discrète. Le choix du Caire pour une rencontre n'était pas très logique dans ce cadre, où le trafic aurait du impliquer des gangs marocains ou algériens. C'est ainsi que j'ai eu l'idée du personnage d'Ibrahim Sanad. Si les chefs se disputaient sur le partage de la manne que représente le trafic de drogue, un juge de paix issu de l'université al-Azhar pouvait s'assurer que la rencontre avec l'envoyé du cartel se passait bien.
Le deuxième problème dans un dossier de ce genre, que je n'ai toujours pas réussi à résoudre, tient à sa présentation. Je ne suis pas illustrateur, ni photographe, ni détenteur de droits sur des illustrations ou des photographies. Des dossiers purement textuels sont lourds, d'un abord rebutant. S'agissant en plus d'un lieu, l'élément visuel devrait être prépondérant. Heureusement, tout le monde a quelques images de l'Egypte en tête. Mais c'est moins évident quand il faut évoquer Alexandrie ou tel quartier du Caire. Contrairement au fois précédente, je n'ai même pas (en tout cas, à l'heure où je vais le mettre en ligne dans une première version) fourni de carte ou quelque chose d'approchant. Les horribles dessins qui se trouvaient sur Onyx et Shade était tous de mois, fait au crayon. Ils avaient au moins le mérite d'alléger le texte. La carte d'Alexandrie avait été décalquéé sur un livre de cours de géographie puis retracéé légèrement pour la faire évoluer. La carte du Caire avait été faite à main levée. Aujourd'hui, évidemment, Internet permet de récupérer beaucoup plus facilement ce genre de ressources. Je me demande même s'il faut s'inquiéter de ce problème d'illustration si le lecteur peut se reporter sur Google Earth, Wikipedia, Wikitravel et Wikimedia. Et il resterait encore à adapter cartes et photographies de la ville au bond de soixante ans vers l'avenir.
L'Egypte, si l'on prend tous les éléments évoqués dans Shadowrun, présente beaucoup d'intérêt. Des éléments très différents, et qui n'ont pas forcément été pensés ensemble, peuvent servir à former malgré tout un thème cohérent.
L'empire d'Egypte et la Mésopotamie sont les deux plus anciennes civilisations connues à ce jour à avoir laissé des traces écrites. Les royaumes de haute et de basse Egypte sont unifiés vers 3150 avant Jésus-Christ, les perses conquierent le pays en 343 av.JC, puis c'est Alexandre le Grand en 332. Ptolémée, général Macédonien de l'armée d'Alexandre, fonde une nouvelle dynastie, qui règne encore plus de deux siècles, jusqu'à la mort de Cléopatre VII en 49 avant Jésus-Christ. C'est une histoire plus longue que n'importe quelle autre civilisation de notre Histoire. On ne peut que difficilement appréhender une durée si longue.
Pour ceux qui l'ignorent, le jeu Earthdawn se déroule dans le même monde que Shadowrun, avant la chute de l'Atlantide en 3113 avant Jésus-Christ. Le supplément Theran Empire décrit entre autre la province de Creana à l'emplacement de l'actuelle Egypte. La province présente de forte similitudes avec l'Egypte pharaonique (à ce stade, il convient de préciser que dans le même supplément, Talea, à l'emplacement de la future Rome, est déjà le lieu d'un culte monothéiste plus de trois millénaires avant Jésus-Christ). Et surtout, aucun dragon ne peut pénétrer son territoire, pour une raison inconnue. Cette information a été reprise dans Sixth World Almanac et explique pourquoi la grande bibliothéque d'Alexandre, que le dragon Masaru était sensé avoir visité, s'avère être sur une île artificielle.
De manière assez logique, c'est en Egypte qu'on a retrouvé la trace la plus ancienne de sorcellerie. Il s'agit de la description d'un rituel qui permettrait de plonger un texte dans l'eau, et d'acquérir le savoir de ce texte en buvant l'eau. J'ai trouvé cette idée intéressante, car elle est strictement interdite par les règles qui régissent la magie à Shadowrun. Les émotions sont présentes dans l'espace astral, mais pas les informations. Un magicien qui use de perception ou de projection astrale ne peut pas lire un texte.
J'ai ma théories personnelles pour expliquer la différence (et pourtant, les similitudes de règles) entre magie et technomancie. La vie et les sentiments résonnent et illuminent l'espace astral. La planète Terre, parce qu'elle est habitée, possède une aura (ce genre de phrase, c'est un coup à ce que le site reçoive la visite de hippies). Il y a une forme d'empathie globale, où les émotions d'une personne peuvent marquer un lieu et être perçues par les autres, s'ils sont éveillés.
Le réseau de télécommunication mondial crée par l'Homme est une construction artificielle. Mais il reproduit d'une certaine manière des fonctions similaires. Là où la vie humaine est présente, il y a du réseau. Les humains laissent leur trace sur le réseau, sont reliés à lui en permanence. On peut comparer un boulier et une calculatrice. Les deux matérialisent des calculs, l'un par des mouvements physiques d'objet, l'autre par des charges électroniques. J'oserais faire un parallèle du même ordre entre Espace Astrale et Matrice. Avec l'arrivée de la Matrice sans fil et d'équipements portables, la Matrice se superpose, point par point à l'univers réel, exactement comme l'espace astrale (une idée que j'évoquais déjà dans mon dossier sur l'Australie). De la même manière que certains êtres humains peuvent accéder aux ressources de l'espace astral, et aller lire les émotions d'une personne à l'autre bout de la planète, un technomancien peut aller consulter ses informations privés sur un réseau social.
Sur ce plan, l'Egypte semble être l'endroit où tout devait se rencontrer. Dans Target: Awakened Lands, des habitants d'Alexandrie disposaient des souvenirs d'égyptiens de l'Antiquité. Dans Dragons of the Sixth World, Celedyr, le grand dragon qui s'intéresse à l'écriture, soutient les groupes armées nubiens (par contre, je n'ai toujours pas compris pourquoi c'est le grand dragon Masaru qui est le plus impliqué dans le projet de Grande Bibliothèque). Et dans Emergence, la communauté copte offrait à tous les technomanciens de trouver refuge en Egypte. Tous les éléments pour une intrigue dévoilant la nature profonde de la magie et de la Matrice sont réunis en Egypte. C'est presque dommage tellement une intrigue de cette envergure pourrait justifier des rebondissements à travers le monde (pour le coup, le modèle matriciel que j'avais imaginé pour l'Australie aurait pu jouer un rôle). Peut-être qu'un jour je me lancerais à écrire et jouer une campagne sur ce thème, qui culminerait avec la finale du championnat de Desert Wars, qui pourrait se trouver être la retransmission de données la plus suivie au monde, et même sur la Lune et sur Mars.
Pour l'anecdote (passage obligé de mes notes d'auteur), l'idée du projet Sahara Vert est née d'une seule image, dans le générique de la série Earth: Final Conflict (Invasion Planète Terre en français). Pour illustrer l'aide que la race extraterrestre des Taelons apportait à l'humanité, on voyait un champ verdoyant au pied des pyramides. Par la suite, le projet Sahara Vert est devenu le point commun qui unit plusieurs acteurs de la campagne NMA.