EUROTRONICS | 02/12/2016 | le dossier

Mon dossier sur Eurotronics est le résultat d'une très longue gestation : quinze ans. C'est également, et de loin, le plus long dossier que j'ai écrit. Il est environ 1,7 fois plus long que le dossier sur la guerre de Colombie qui détenait précédemment ce titre, et 2,4 fois plus long que le dossier sur la corporation Esprit Industries. Dans un supplément, ca serait l'équivalent de 18 pages (plus les illustrations !), un nombre de pages qui n'avait jamais été consacré à aucune corporation jusqu'à la sortie de Market Panic.

Eurotronics avait été introduite dans l'univers de Shadowrun dans le supplément allemand Deutschland in den Schatten (DidS) et sa traduction en anglais Germany Sourcebook. Elle avait été ensuite mentionné dans Corporate Download et Matrix. Lors de la conception de ce qui allait devenir Shadows of Europe (SoE), Eurotronics figurait donc parmi les corporations que nous aurions du traiter. Mais nous avons été confrontés à deux problèmes. Le premier était que personne n'avait d'idée particulière à son sujet. Le second était que les sources existantes avaient tendance à se contredire en raison d'une grosse confusion entre le statut de membre d'un consortium et le statut de filiale d'un consortium, les sociétés comme Siemens étant décrites alternativement comme l'une ou l'autre selon les suppléments.

Pour résoudre cette contradiction, j'avais déjà à l'époque commencé à imaginer un mécanisme, qui allait après de nombreux ajustements devenir celui des filiales de transfert. Il permettait de d'expliquer que selon les cas, il était fait référence à un membre ou à une filiale du consortium sous le même nom. Mais l'explication que j'avais faite était tellement complexe qu'elle aurait été trop longue pour figurer dans SoE (pour lequel il y eut de nombreux choix bien plus difficiles à faire) et elle a surtout, je crois, découragé quiconque de réfléchir plus avant sur ce qu'il était possible de faire avec cette corporation. Eurotronics fut donc discrètement exclue de la liste des corporations décrites dans SoE, avec l'idée que si quelqu'un nous posait la question, on n'aurait qu'à dire que, primo, ca doit être la 16e plus grosse corporation alors elle est juste après dans la liste, et, deuxio, c'est un consortium et pas une corporation classique alors on ne pouvait pas la traiter de la même manière, et puis zut. De fait, à ce que j'en sais, personne n'a jamais posé la question. Eurotronics n'apparaissait donc qu'à travers plusieurs mentions de sociétés membres du consortium et qui étaient elle-même des filiales d'autres corporations (pour être raccord avec Deutschland in den Schatten II, sorti peu de temps auparavant en Allemagne).

SoE était paru, et ma participation à l'écriture de suppléments pour Shadowrun s'achevait avec Shadows of Asia. J'avais brièvement envisagé de proposer Eurotronics, en tant que consortium, pour le supplément Loose Alliances, mais l'idée était loin d'être mature à ce moment-là (mes autres idées, sur Tamanous et les Seraphim furent elles proposées et rejetées). L'idée continua à prendre forme : celle d'une alliance de corporations qui, sous couvert du consortium, monteraient des opérations clandestines derrière un écheveau complexe de sociétés-écrans et de compte offshore. Eurotronics fit ainsi une apparition dans ma campagne opération Charon, dans la période 2057-2060, où ce sont les grandes mégacorporations comme Fuchi qui récupérent l'usage de cet outil. Il s'agit de l'incident qui implique Siemens-Cerberus à Jérusalem auquel je fais référence dans le dossier, et de tout ce qui vient ensuite. C'est aussi pour ma campagne que j'ai commencé à imaginer un lien entre Eurotronics et Trans-Latvia Enterprises, l'actionnaire mystérieux de Novatech. Il me fallait encore simplifier ou mieux expliquer le systèmes de filiales de transfert, et donner corps à un concept encore flou, à travers des activités, des filiales et des personnalités.

Mais en 2009, le supplément SOX sort et mentionne au détour d'un paragraphe qu'Eurotronics a été racheté par Transys Neuronet. D'un coup, tout le concept s'effondre. Il n'y a pas d'obstacle technique particulier à ce qu'un consortium puisse être revendu en un bloc à un nouveau propriétaire, mais l'idée d'un enchevetrement d'intérêt et d'opérations ne me semblait plus vraiment tenir avec un propriétaire unique, appartenant lui-même une grande mégacorporation. J'ai repris mes notes et j'ai recommencé depuis zéro mon projet. Finalement, c'est au début de l'année 2016 que j'ai réellement entrepris la rédaction finale, qui allait me prendre presque un an.


L'implication de Celedyr et les références à l'action d'Alamais en Italie n'étaient évidemment pas du tout prévues au départ. Celedyr est entré en scène à partir du moment où j'ai du intégré le rachat d'Eurotronics par Transys Neuronet mentionné dans SOX, et Alamais est là simplement pour faire allusion à The Clutch of Dragons et Stormfront (suppléments que je ne porte pourtant pas particulièrement en haute estime). S'agissant de Celedyr, j'avais même à un moment envisagé de faire au contraire du rachat d'Eurotronics une opération menée par des cadres de Transys Neuronet liés à HKB (la corporation a qui Celedyr a disputé le contrôle de Transys Neuronet entre 2054 et 2062) qui aurait profitté de l'entrée dans Neonet et du soutien d'Anders Malmstein ou de Richard Villiers pour gagner une part d'autonomie. J'ai finalement fait d'Eurotronics un nouveau bras armé pour Celedyr, qui viendrait en complément du gang des Knights of Rage. Pendant une courte période, le dossier a même failli devenir un dossier qui aurait décrit l'ensemble des agents de Celedyr, avant de considérer que la longueur des descriptions que je voulais faire d'Eurotronics serait complètement déséquilibrée. Mais l'idée m'a conduit à commencer un nouveau dossier (plus court !) sur les Knights of Rage.

En revanche, l'implication de Lofwyr et de Saeder-Krupp a été pensée dès le départ. Corporate Download expliquait que S-K avait racheté Siemens-Nixdorf (une "filiale" d'Eurotronics) et s'était "engagé dans des maneuvres internes pour manipuler le consortium." Cette partie aurait probablement occupé une part encore plus centrale si j'avais situé le dossier en 2064 ou 2065, à l'époque de la troisième édition. L'opération de rachat de la Schweizere Bankverein apparaissait dans Shadows of Europe. J'avais choisi de rapprocher les deux affaires dans le cadre de ma campagne NMA, pour avoir la matière pour jouer un scénario financier complexe. Je voulais tirer parti de cette complexité pour expliquer comment Richard Villiers avait pu perdre le contrôle de Trans-Latvia Enterprises au profit d'une personne ou d'un groupe qu'il ne parvenait pas à identifier. Entre le moment où j'ai commencé à concevoir cette partie de l'histoire et la finalisation du dossier, Corporate Guide avait introduit de nouveaux éléments concernait Trans-Latvia (en l'orthographiant Trans-Latvian et en plaçant son siège en Estonie...). Il établissait notamment un lien entre Trans-Latvia et la mafia de Boston. Comme souvent, on peut se demander en quoi le mystère serait si dur à percer pour quelqu'un avec les moyens de Richard Villiers si quelques crypto-anarchistes en savent déjà autant. Du point de vue du réalisme, la difficulté n'est pas tant que ça d'expliquer comment peuvent se dissimuler les propriétaires de Trans-Latvia (n'importe quel cabinet d'avocats singapouriens ou luxembourgeois vous fait çà), mais plutôt d'expliquer comment Villiers a pu perdre le contrôle de la société sans le vouloir (selon un principe souvent ignoré à Shadowrun, il n'y pas vraiment de moyen d'acheter ce qu'on ne veut pas vous vendre).

Le piratage des technologies Fuchi était dans DidS le seul véritable élément d'identité d'Eurotronics en dehors de sa structure de consortium. J'aurais sans doute eu tendance à le mettre plus de coté si Eurotronics n'avait pas ensuite rejoint le groupe Neonet. Au final, je me demande si cette partie de l'histoire n'est pas trop présente, entraînant beaucoup de répétitions dans un fichier par ailleurs très long. Jusqu'à assez tard, ce volet avait presque uniquement une portée historique, et donc peu d'intérêt pour jouer. C'est à la toute fin de l'écriture du dossier que j'ai eu l'idée des archives couvrant des opérations menées par Eurotronics que Fuchi rechercherait.

Cette idée des archives d'Eurotronics a rapidement rejoint une autre idée tardive, qui était d'associer Eurotronics et Art Dankwalther. Quand cette idée m'est venue, presque quinze ans donc après avoir commencer à réfléchir sur le sujet, elle m'a paru tellement évidente que je me demande comment j'ai pu ne pas y pensé avant. Je voulais décrire Eurotronics comme les meilleurs spécialistes dans la façon de percer la sécurité de Fuchi et Novatech, et je ne m'étais jamais fait la remarque que Dankwalther, plus que n'importe qui, et surtout vu les moyens financiers quasi-illimité qu'il était prêt à y consacrer, aurait évidemment du chercher à s'attacher les services de ces spécialistes. Cette idée associait finalement à Eurotronics une intrigue de haut niveau, ce que je n'envisageais pas vraiment avant.


La description originale d'Eurotronics dans DidS se concentraient très largement sur l'Allemagne et l'Europe du nord, mais plaçait son siège en Italie. Les suppléments suivants faisaient généralement référence aux mêmes sociétés membres et filiales d'Europe du nord. Pour expliquer que le siège se trouve à Turin, je voulais rééquilibrer la composition du consortium en y intégrant plus de sociétés françaises et italiennes. Cette tentative de rééquilibrage avait déjà commencé dans SoE avec l'introduction de Gemsys comme filiale de Novatech (en référence à la société française Gemplus/Gemalto) et Olitechnologies (en référence à la société italienne Olivetti).

Alcatel-Nokia y figurait également, comme un membre du consortium contrôlé par la mégacorporation Cross Applied Technologies. D'après mes informations, la première apparition d'Alcatel-Nokia avait eu lieu dans Deutschland in den Schatten II, ou elle était mentionné comme une filiale d'ECC Eurotronics dont S-K avait tenté de prendre le contrôle. C'est un de ces cas où Shadowrun était par hasard tombé juste, quinze avant avant le rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia. Je n'avais eu que la première partie de cette information au moment de la conception de SoE, où j'avais donc utilisé Alcatel-Nokia pour assurer la présence de Cross au capital du consortium. DidS2 donnait en effet une liste d'actionnaires d'Eurotronics où figurait Cross, S-K et Novatech, et qui consitue l'une des plus grosses contradictions par rapport au statut de consortium d'Eurotronics. Mon idée était de considérer cette liste d'actionnaires comme une liste indirecte de ceux qui contrôlaient les sociétés membres du consortium. La tentative de S-K de prendre le contrôle d'Alcatel-Nokia pouvait s'expliquer de cette façon, en imaginant que S-K ait soit effectivement tenté de racheter des parts à Cross ou à d'autres actionnaires pour influencer la direction ou devenir majoritaire, soit tenté de manipuler la "filiale de transfert" A-N Eurotronics en oeuvrant depuis l'intérieur du consortium où elle était présente par l'intermédiaire de Siemens-Nixdorf (ce qui aurait constituer un exemple des "maneuvres internes" citées plus haut). Je n'ai pas évoqué ce sujet en détail car je n'avais pas accès à la source originale pour voir s'il y avait d'autres éléments comme une date par exemple.

Le problème posé par Alcatel-Nokia vient du fait que SoE introduisait également la mégacorporation Erika, une idée des auteurs du chapitre sur les pays scandinaves de fusionner leurs champions locaux des télécommunications, Ericsson et Nokia. La vie réelle regorge d'exemples de marques connues qui se retrouve éparpillées dans différentes sociétés au gré des rachats et des reventes (les voitures Samsung ou Rolls-Royce produits par Renault et BMW par exemple, ou les téléphones Alcatel produits par TCL). Mais dans un univers simplifié comme celui de Shadowrun qui doit l'être pour être mieux compris du maître de jeu et des joueurs, ce genre de confusion a tendance à géner (pour encore plus de confusion, un autre supplément allemand, Chrom und Dioxin mentionnait la présence à Genève du "géant français de l'électricité Fralcatel", une mention qui ne fut jamais reprise). Erika a (logiquement) remporté la bataille d'image contre Alcatel-Nokia en devenant l'une des composantes de Neonet. De plus, Alcatel-Nokia était sensé être une émanation d'Erika, qui y détenait des parts tout en en laissant le contrôle à Cross Applied Technologies. J'ai voulu réduire de manière quelque peu artificielle la confusion mentale en faisant le plus souvent référence à "Alcatel-Nokia Telecom" comme "A-N Telecom" pour gommer la référence. Mais j'ai moi-même ajouter encore plus de complexité en utilisant A-N Telecom comme structure de couverture pour des Seraphim qui aurait rejoint les corporations Amas International puis Aérospatiale SA (j'envisage de rédiger un dossier sur cette corporation à partir de mes notes, mais l'idée apparaît déjà dans celui sur la chute des Seraphim et en filigrane dans celui sur l'OPA sur Esprit Industries). En refusant de me dédire sur cette intrigue, je me retrouve dans la situation où tout ce qui concerne A-N Telecom ajoute une lourdeur particulière (dans un dossier qui en avait déjà beaucoup), et l'on peine à comprendre ce que fait cette société et qui la contrôle. J'ai l'impression qu'il y a soit trop d'informations, soit pas assez (une solution pourrait être de faire, en plus de mon dossier sur l'Aérospatiale, un dossier distinct traitant uniquement d'A-N Telecom et des Seraphim).

Je voulais également intégrer dans la liste des membres du consortium STMicroelectronics, qui avait l'avantage d'être une société franco-italienne avec d'occuper une place significative dans l'industrie électronique (une place qu'elle a en fait perdu au cours des quinze ou vingt dernières années avec l'essor des fondeurs de puces asiatiques). Mais si je voyais comment rééquilibrer le consortium entre l'Allemagne et la France, mais pas comment faire basculer le centre de gravité complètement vers l'Italie au point d'y placer le siège. La publicité faite autour de la société italienne Hacking Team m'a largement inspiré pour décrire Elettronica. La société Elettronica SpA existe réellement, mais elle est principalement active dans le domaine de l'électronique embarquée à bord de véhicules. Ce domaine d'activités a complètement disparu quand j'avais fini la rédaction, au profit du matériel destiné aux opérations de sécurité.

D'une manière générale, tout l'ancrage italien d'Eurotronics a été amenné assez tardivement dans la conception. J'ai véritablement commencé à y réfléchir après avoir jouer un scénario qui se déroulait en Italie et qui faisait référence aux attaques du grand dragon Alamais. J'étais joueur sur ce scénario et pas forcément d'accord avec la vision de l'Italie en 2074 qu'avait le maître du jeu. Ca m'a justement amenné à me demander qu'elle était ma vision de l'Italie au juste. Je n'aime pas particulièrement l'idée de Gemito, car je ne suis pas convaincu qu'une zone de cette taille et aussi peuplée resterait sans administration aussi longtemps dans cette partie du monde, mais elle est difficile à ignorer. Et je n'aime pas non plus son nom, qui se focalise sur les trois zones urbaines principales, alors que le défaut d'administration devrait se faire sentir avec encore plus d'accuité dans les zones rurales (rétrospectivement, je me dit que j'aurais du employer plutôt le terme de "triangle Gemito" qui reconnaît au moins que les trois villes sont plus des points de repère géométriques qui délimitent la zone ).

Concernant la Guardia Consorzio, DidS ne mentionnait évidement pas le triangle Gemito, imaginé bien plus tard. Il décrivait une sécurité assez variable selon les sites, avec des moyens lourds disponibles mais peu utilisées. DidS mentionnait des hélicoptères, tandis que la version américaine du Germany Sourcebook employait le terme de gunships. Je me suis un peu écarté de cette description en décrivant une force de sécurité plus présente, parce que ca me semblait plus cohérent avec la situation en Italie. On pourrai aussi considérer qu'à vingt ans d'écart, et avec la succession de changement dans la direction d'Euroronics, la politique de sécurité a eu le temps de changer.

De manière générale, la partie historique est probablement trop longue par rapport à son intérêt pour jouer. C'est déjà, en temps ordinaire, un problème récurrent dans beaucoup de mes dossiers. Je suis partie du principe que, n'ayant aucune contrainte de taille sur une page web, je pouvais mettre à disposition tous les éléments que j'avais imaginé, qu'ils soient pertinents ou pas. Mais ce point de vue ne prend pas du tout en compte l'effet de découragement pour le lecteur. Dans la plupart de mes autres dossiers, l'historique se concentre sur une période qui va de 2001 à 2042 et ne sert à rien d'autre que d'expliquer la transition entre le monde actuel (ou le monde d'il y a quelques années) et l'époque de Shadowrun. Mon imagination s'essouffle à l'approche des années 2040, en l'absence d'événements marquants dans l'histoire de Shadowrun auquel se raccrocher, et stoppe dans les années 2050, en entrant dans la période normalement couverte par les suppléments. Eurotronics fait donc figure d'exception, d'autant que la date de création était de tout façon fixée en 2037. De plus, j'avais développé des idées sur cette corporation sur la période 2057-2060 dans le cadre de ma campagne, sur la période 2063-2065 lorsque j'ai penser une première fois à publier quelque chose, et finalement sur la période 2070-2074 lorsque j'ai du adapté l'idée avec le rachat par Transys Neuronet.


Pour les filiales d'Eurotronics, j'ai été assez peu inspiré. L'idée du démantèlement partiel d'Eurotronics me permettait de justifier une liste assez restreinte et pas forcément représentative de toutes les activités qu'une mégacorporation aurait pu avoir.

EBMM est un nom qui apparaissait dans la première édition du livre des règles, dans le laius de l'archetype du rigger ("Old EBM2 appreciates quality workmanship"). Elle avait été mentionnée une deuxième fois dans Shadowbeat comme fabriquant d'un équipement de reprogrammation neurale (mention reprise quelques années plus tard à l'identique dans Cannon Companion). Elle était également mentionné dans le recueil de nouvelle Into the Shadows comme ayant affronté victorieusement MCT dans une desert war corporatiste. A priori, ces trois mentions étaient le fait de Paul Hume. Les auteurs allemands de Chrom und Dioxin en 1996 faisait également une simple mention d'un centre de recherche d'EBMM installé sur le terrain d'une ancienne base militaire près de Darmstadt.
En 1994, le fanzine Ka-Ge avait publié un profil pour la corporation EBM² sur le modèle de Corporate Shadowfiles. J'en avait d'abord entendu parler, mais le seul détail qu'on m'avait donné était le développement de l'acronyme EBMM en European Business Machines & Magic. Je n'ai lu l'article en question que plus tard.
Une description sous une forme ou une autre d'EBMM avait été brièvement envisagée lors de la conception de SoE avant d'être abandonnée assez rapidement par manque d'enthousiasme. Maintenant que j'ai lu l'article de Ka-Ge qui devait faire référence pour plusieurs membres de l'équipe, je peux le comprendre. EBM² était l'archétype de la corporation de fanzine, active dans le secteur de l'informatique et de la magie, rivalisant avec les mégacorporations AAA et dotée d'un service de sécurité efficace et puissant, et contrôlée par des groupes elfes et vampiriques (sic).
Personellement, je trouvais l'accumulation de corporations majeures Euro-quelque chose un peu lourde : European Business Machines & Magic, European Computer & Cybertechnology Eurotronics (ECC Eurotronics), the European Motor Corporation (EMC), Eurocar... C'est ce qui m'a donné l'idée de faire d'EBMM une filiale d'Eurotronics, pour au moins en rassembler deux au sein du même groupe. Contrairement à ce que j'ai pu faire dans d'autres dossier pour maintenir une forme de rétro-compatibilité avec toutes les sources officielles ou amatrices dont je disposais, je me suis écarté de celle de Ka-Ge, notamment en choisissant un nouveau nom. L'un des rares points communs qui reste est la localisation de son siège en Suisse (Genève pour Ka-Ge, Berne dans mon cas) et il me semble qu'il s'agit plus d'une coïncidence fortuite. Je voulais le placer à un endroit qui ne soit ni l'Allemagne ni l'Italie, mais en reste proche. En l'occurence, Berne était décrite dans SoE comme une place importante des biotechnologies.

L'idée du "groupe spécial d'appui psychologique" d'EBMM vient à la fois de cette référence à du matériel de reprogrammation neurale et à la mise en pratique d'une idée personnelle sur les sortilèges de manipulation et de sonde mentale. Selon moi, une large diffusion de ce type de sortilèges pourrait remettre en complètement en cause la sécurité des informations. Il devrait être impossible pour les responsables de l'armée ou des services secrets mais aussi pour les dirigeants politiques ou corporatistes qui les commandent de simplement fréquenter un endroit public où peuvent se trouver des magiciens. Si j'avais l'opportunité de rebâtir l'univers et les règles de Shadowrun, je résoudrais partiellement cette incohérence en introduisant une disponibilité spécifique à chaque sortilège, qui fasse des sortilèges de manipulation et de sonde mentale l'équivalent d'un missile anti-aérien (à savoir qu'un personnage-joueur peut toujours y accéder, mais que celà représente un investissement plus lourd qu'un sortilège de maquillage). Une corollaire serait que les magiciens ayant connaissance de ces sortilèges seraient des experts rares, à employer avec précaution car ils sont également des cibles prioritaires pour l'adversaire.

"Salinger" est une référence (absolument gratuite) à Ghost in the Shell de Masamune Shirow, plus spécifiquement à la série Stand Alone Complex. Je laisse à l'arbitrage du lecteur de décider si ce nom et cette histoire devrait plutôt désigner le marionnetiste ou le major Motoko Kusanagi.

A un niveau plus global, l'idée de décrire précisément différentes unités spéciales d'Eurotronics est arrivée tardivement. J'avais assez rapidement imaginé Eurotronics comme une corporation dont toutes les branches menaient des opérations secrètes, avec leurs moyens propres. Je pensais au départ que la déclinaison des différentes unités se feraient naturellement au fil du texte. J'ai suivi un découpage très classique - historique, filiales, lieux et personnages (à quelques variations près le même plan que pour Esprit Industries, ESUS et Revlup). Non seulement je n'avais pas beaucoup d'idées pour les lieux, mais je constatais que mes différentes idées n'arrivaient pas à s'insérer dans le texte, à moins de multiplier les commentaires, ce qui alourdissait l'ensemble. L'idée de faire une section séparée qui pourrait entrer dans le détail de plusieurs unités m'a paru la bonne. Comme je le fais remarquer dans le dossier, les personnages-joueurs ont plus de chance d'être confronté à des agents de terrain qu'aux membres du conseil d'administration. L'objectif était de donner à chaque unité un style distinctif. J'aurais pu introduire à la place une liste de personnage appartenant aux différentes unités. Mais j'ai eu le sentiment que cette façon de faire tendrait à opposer au groupe de PJ un seul et unique adversaire nommément désigné. Même soutenu par des sous-fifres (forcément génériques), ce genre d'antagoniste est toujours difficile à confronter à des PJ qui ont une facheuse tendance à les tuer dès la première rencontre (et parfois sans même avoir eu le temps d'apprendre leur nom). En dotant chaque unité d'une sorte de personnalité ou au moins de style distinctif, je pense qu'on peut multiplier les antagonistes, qui restent identifiables et mémorables, mais sont remplaçables. J'ai dans un coin de ma tête l'idée d'une campagne où les PJ se verraient opposer successivement les différentes équipes d'Eurotronics, mais je reste encore perplexe sur l'intrigue qui le justifierait et l'aspect tout de même répétitif de la chose.

Auparavant, j'avais déjà entrepris de composer le conseil d'administration avec ces différents personnages, qui devaient illustrer les différents facettes d'Eurotronics. J'ai d'abord posé le concept général de chaque personnage, avant de déterminer sa nationalité et son sexe, et finalement son nom. Contrairement à ce que j'ai pu faire par le passé, j'ai essayé d'être un peu plus paritaire dans le nombre d'hommes et de femmes présentes au conseil d'administration. J'ai essayé d'éviter de cantonner les femmes aux rôles trop classiques comme "la scientifique", "l'avocate" ou "l'inspectrice". Après quelques hésitations, j'ai également évité de donner à une femme le rôle du directeur de la sécurité par intérim à qui ont refuse le poste, parce que ca risquait d'être interprété dans un sens différent de celui que j'imaginais. Au niveau des nationalités, l'idée d'une PDG extérieur anglo-chinoise m'est venu assez tôt. A l'inverse, le choix d'un nom à consonnance turque pour Samira Demir est un choix de dernière minute, pour insuffler un peu de diversité sur ce plan (sans me décider quant au fait qu'elle soit turque ou allemande d'origine turque). L'attribution des métatypes a été faite encore plus tard, avec un objectif de diversité plus restreint (surtout que je n'aime pas les elfes). J'avais également prévu de consacrer un peu de temps à la rédaction de quelques phrases de description physique de ces personnages, avant de conclure que ca n'aurait été de toute façon totalement arbitraire et pas particulièrement inspiré, et que je pouvais laisser le loisir au lecteur de se les représenter.